La compression en course à pied

Je vais vous parler aujourd’hui de la compression pendant l’effort. Pour certains il s’agit d’une effet de mode, pour d’autres cela augmente les performances, … mais il y a aussi les indécis, les adeptes pour la récupération et enfin les hostiles … la seule certitude est que la compression ne laisse pas indifférent.
Un petit historique s’impose. La compression a commencé à l’origine avec les sportifs de haut niveau essentiellement pour la récupération. Elle était cantonnée aux manchons de jambes. Puis, avec l’arrivée du trail et de ses longues distances, les chaussettes de compression font leur apparition pendant l’effort puis de manière exponentielle arrivent sur marathon et semi-marathon, jusqu’à envahir toutes les courses et surtout toutes les distances. Il en existe de tout type : manchons de cuisse, manchons de mollets, short de compression, T-shirt de compression, …

Mais pourquoi me direz-vous?  … Autant vous avouer tout de suite que la recherche médicale concernant la compression en est à ses balbutiements. Aucune étude digne de ce nom (hormis celle des Dr POUGET, PRÜFER et COUZAN cf ) n’est publiée. Je suis très vigilant aux différentes publications scientifiques concernant la traumatologie et la médecine du sport, mais cet aspect n’a été que peu étudié.
Pour finir cette introduction, il est très important de distinguer la compression pendant l’effort de la compression pour la récupération. Des pressions et un impact sur la physiologie veineuse et musculaire différents doivent entraîner des conduites d’utilisation différentes. On ne court pas avec des chaussettes de récupération !!!!!!
La compression pendant l’effort peut présenter deux avantages non négligeables : diminiuer la fatigabilité du muscle pendant l’effort par la facilitation du retour veineux et diminuer la casse musculaire par un maintien complet du muscle limitant son ébranlement.

1- Diminution de la fatigabilité musculaire
Un point de physiologie cardio-vasculaire s’impose. Un muscle pour fonctionner et donc se contracter à besoin de deux éléments de base : de l’oxygène et de l’énergie (de l’ATP, en français du sucre modifié). Le sang est amené au muscle par les artères et revient au coeur par les veines. La différence fondamentale entre ces 2 systèmes réside dans le fait que le système artériel fonctionne grâce à une pompe unique qui envoie le sang au muscle : Le coeur. Le système veineux lui n’a pas de pompe.



Il possède juste des clapets qui empêche le sang de refouler en arrière. Ce qui permet le retour du sang veineux au coeur est donc la pression qu’excerce le muscle sur la veine lors de sa contraction pour faire avancer le sang. A l’image du tube de dentrifice, en appuyant sur les parois du tube, le dentifrice sort.

Et bien là la veine enchassée dans les muscles, est comprimée par les parois musculaires qui l’entourent. Et le sang remonte vers le coeur. C’est pour cela qu’en cas d’immobilisation prolongée, le risque de phlébite est possible. Equation simple :

Pas de contraction musculaire = Pas de mouvement important de sang veineux = coagulation = “caillot”= phlébite, raison pour laquelle, en cas d’immobilisation (grosse attelle, plâtre, …) on donne des anti-coagulants pour empêcher la formtion de ce caillot.

Le coeur envoie donc au muscle un sang riche en oxygène. Pendant l’effort, le débit cardiaque peut augmenter de 5 à 6 fois et le débit musculaire plus de 20 fois. Par conséquent, il va y avoir une dilatation veineuse importante et une hyperpression pouvant empêcher l’arrivée du sang artériel oxygéné au muscle. Pour résumer, le problème pour l’organisme n’est pas de recevoir le sang artériel oxygéné mais d’évacuer le sang veineux appauvri en O2. Résultat de ce phénomène, lourdeur, fatigabilité, crampes, baisse globle de la performance et donc risque de blessure.
Pour prendre en exemple la jambe (le mollet), les manchons de compression vont appuyer directement sur le réseau veineux de manière mécanique afin de faciliter l’évacuation du sang veineux et par conséquent d’améliorer l’alimentation en sang oxygéné. C’est la place libérée par l’évacuation de ce sang qui facilite la perfusion du muscle.

circulation

A titre informatif, le sang veineux est riche en CO2 (“déchet” de l’utilisation de l’O2), déchets du travail musculaire (acide lactique, ….)

En conclusion, faciliter le retour veineux = élimination plus rapide des “toxines” = meilleure oxygénation du muscle

2- Rôle “d’anti-casse” musculaire

Le deuxième rôle de la compression, non prouvée scientifiquement, mais validée de manière empirique par bon nombre de coureurs est le rôle de gainage et maintien de la compression sur le muscle. L’impact au sol, à fortiori dans les courses à fort dénivellé a tendance à provoquer un ébranlement musculaire entraînant une casse des fibres musculaires importantes. Le gainage qu’apporte la compression limite ces mouvements parasites et aide à absorber les forces venant du choc lié à l’impact du pied au sol. Tous les muscles ne sont pas égaux quand à leur capacité d’”encaisser” les chocs. En effet, les quadriceps sont particulièrement sensibles à ce genre de traumatisme, raison pour laquelle de plus en plus de trailers adoptent les manchons de cuisse pour les trails longs voir les ultras.

Objectif : Marathon de Paris
Pour coller avec l’actualité du moment, doit on choisir de la compression pour le marathon de Paris, question destinée à ceux qui se la poseraient encore et qui hésiteraient. Avant de choisir des manchons de compression pour votre course, il est important de valider 4 points:

  • Choisir la taille adaptée (étape à observer avec rigueur). En cas de taille inadaptée, vous risquez de rencontrer d’importants problèmes musculaires à type de crampes, contractures, …

  • Les valider à l’entraînement. 2 ou 3 sorties longues sont à réaliser avec pour confirmer le bon choix de ces manchons et ne pas se “planter” pendant votre objectif.

  • Ne pas faire tous ces entraînements avec des manchons. En effet, il est important que vos muscles fonctionnenent de manière naturelle, au risque à terme d’avoir l’effet inverse et de les fragiliser.

  • Les manchons ne remplacent pas l’apport hydrique, l’apport sodé (sel) et l’apport glucidique pendant la course. Même avec des manchons, vos muscles ont faim et soif!


Enfin, les manchons ne font pas courir plus vite, ( si, si, je vous assure). Ce n’est pas non plus une solution miracle mais ils pourront convenir aux plus grands nombres grâce à des objectifs visés par chacun différents :

  • En cas de blessure musculaire, sensibilité musculaire ou tendineuse, la compression pourra avoir un rôle protecteur. (à fortiori si vous arrivez surentrainé avec des douleurs musculaires ou à l’inverse sous-entrainé)

  • Les porter pendant la course vont accélérer votre récupération dès l’arrêt de l’effort.

  • Retarder les signes de l’apparition de la fatigabilité musculaire: crampes, lourdeurs…. Cette dernière sera évidemment assujettie à la quantité d’entraînement effectuée en amont.

  • Rôle esthétique (ils en font pour tous le goûts)


Bon marathon de Paris aux uns et bonnes courses aux autres.

Fabrice BEDIN, Ostéopathe DO

Nb : Pour les personnes intéressées par l’étude de l’influence de la compression menée par les Dr COUZAN et POUGET, vous les trouverez à cette adresse mail. Ils font partie des quelques rares angiologues à avoir mesurer l’influence de la compression sous écho-doppler et IRM.
http://www.msport.net/newSite/IMG/doc-1857.pdf (à partir de la p.7)