La douleur de hanche du runner

1-    Défintion de la douleur de hanche

La douleur de hanche est assez complexe à comprendre dans la mesure où cette articulation n’est pas visible à l’inverse d’un genou ou d’une cheville.

Pour simplifier, on peut distinguer 2 familles de douleur (Dans un autre article, nous aborderons les douleurs fessières):

-       Les douleurs antérieures (devant):
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Les douleurs se situent entre l’ l’EIAS (protubérance osseuse située sur la partie avant du  bassin) et le pubis.

-       Les douleurs latérales (sur le côte, en haut de la cuisse):


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La difficulté principale est d’identifier la structure en souffrance. Il est fréquent de traiter de manière globale ces douleurs (AINS,  semelles, …) sans connaître précisement l’atteinte anatomique précise du muscle ou du tendon incriminé.

Pour les intéressés par l’anatomie, voilà un bref aperçu des éléments en présence.

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2-    Propositions pathologiques en rapport avec la localisation

Les douleurs antérieures (devant) :

a-    L’arthrose de hanche

L'arthrose de hanche ou coxarthrose est la 2ème arthrose la plus fréquente, après celle du genou. Elle est longtemps inapparente ou responsable de douleurs très modestes. Et quand elle devient franchement invalidante, c'est toujours qu'elle est très avancée. C'est important car si vous avez des douleurs affreuses de la région de la hanche et que les radios montrent une arthrose modérée, ce n'est probablement pas votre hanche qui est responsable mais plutôt vos vertèbres lombaires.

Siège : la douleur se situe le plus souvent au pli de l’aine, et peut irradier le long de la face antérieure de la cuisse.

Horaire : La douleur d'arthrose de hanche est une douleur d'appui. Elle survient essentiellement à la marche, et augmente d'autant plus que vous insistez pour continuer. Le repos améliore les troubles.

Evidemment, hormis de rares cas, c’est une pathologie dans sa forme primitive débutant plutôt à partir de 55-60 ans.

Diagnostic confirmé par simple radiographie. Pour les moins de 60ans, ne vous affolez pas trop, il est peu problable que cette pathologie vous concerne

b-    La tendinite des adducteurs

La tendinite des adducteurs est une tendinite d'insertion. On l’appelle également pubalgie.  C'est une souffrance de l'ancrage d'une portion des tendons sur l'os, par excès de traction: les muscles adducteurs deviennent très costauds, mais leur tendon ne s'épaissit pas pour autant et les contraintes augmentent pour une surface d'ancrage identique.
La douleur est sur un côté du pubis, réveillée par l'appui sur l'attache des adducteurs et par la mise en tension forte de ceux-ci.
(en contraction contre-résistance)

 Cette pathologie peut vous concerner si vous doublez la course à pied avec un autre sport non porté (tennis, football, ….) Se rapprocher d’un praticien compétent pour identifier la cause et proposer un traitement ou des exercices appropriés.

c-    Hernie inguinale et crurale

Les douleurs de la paroi abdominale sont liées aux effets de cisaillement par l'activité sportive et à la pression des viscères sur l'orifice du canal inguinal, sorte de "trou" naturel dans la musculature abdominale.
La douleur est sur le côté, au-dessus de celle des adducteurs, réveillée par le fait de tousser ou pousser comme si on allait à la selle.

Un léger gonflement peut apparaître sous la peau à la sortie du canal inguinal en toussant.


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Pathologie fréquente de la course à pied. A fortiori, si  vous êtes un adepte invétéré et quotidien de la musculation (abdo, pompes, …). Diagnostic confirmé par un simple examen clinique. En cas de doute, une échographie sera à réaliser.

d-    La “tendinite” du psoas

La tendinopathie du psoas est le résultat de la répétition de la flexion de la hanche associée au traumatisme de l’appui au sol.

Siège : La douleur est antérieure au niveau de l’aine, ou interne correspondant à l’insertion basse sur le petit trochanter du muscle psoas iliaque. Elle est parfois accompagnée d’une tuméfaction qui peut faire évoquer une inflammation d'un ganglion, ou une pathologie herniaire.

L’étirement passif douloureux est réalisé par l’extension de hanche. Cette douleur peut être accompagnée de douleurs abdominales (douleurs projettée du muscle).
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Diagnostic confirmé par un simple examen clinique (voir dans quelques cas par une échographie). Se rapprocher d’un praticien compétent et habituer à la consultation de sportifs pour objectiver cette pathologie. La meilleure des préventions reste l’étirement régulier de ce muscle (à distance des entraînements).

e-     La fracture de fatigue de la branche ischio pubienne

Les membres inférieurs et le bassin subissent, lors de la course à pied, de multiples contraintes mécaniques résultant des forces de gravité, les contraintes dynamiques étant nettement supérieures aux contraintes statiques. En effet, le pied du coureur entre en collision avec le sol 300 à 500 fois par km (suivant la longueur de la foulée), avec une force de 3 à 8 fois le poids du corps. Une partie de l’impact est absorbé par la chaussure, le pied et la cheville. Le reste est transmis dans une proportion variable aux genoux, au bassin et à la colonne lombaire.

Une fracture de fatigue survient sur un os sain, non fragilisé, à la suite de microtraumatismes répétés. L’os sain réagit habituellement à une agression mécanique répétitive en s’hypertrophiant, en créant ainsi une zone de plus grande résistance, compensant l’augmentation progressive des contraintes afin d’éviter la rupture osseuse. Par contre, si la contrainte mécanique est inhabituelle ou trop brutale, il en résulte un déséquilibre entre le remodelage osseux lent et l’intensité des forces exercées sur l’os aboutissant à la fracture.

Les causes les plus fréquemment rencontrées au cours des fractures de fatigue sont :

  • Des entraînements sur des surfaces plus dures ;

  • De trop longues distances chez des coureurs novices, mal préparés, ou des distances d’entraînement supérieures à 100 km par semaines chez des coureurs entraînés ;

  • Une augmentation brutale de l’intensité et de la durée de l’entraînement ;

  • Une modification de la qualité de l’entraînement avec introduction de séances de vitesse ;

  • Le port de chaussures défectueuses ou un changement de chaussures plus rigides ;

Les fractures des branches ischio et ilio-pubiennes sont les plus fréquentes et les plus spécifiques de la course à pied. Elles touchent préférentiellement les femmes.

Siège  et horaire:  Elles se traduisent par l’apparition plus ou moins brutale d’une douleur du creux de l’aine, de la fesse et du haut de la cuisse qui s’intensifie progressivement pour entraîner l’arrêt de la course à pied et être à l’origine, parfois, d’une douleur permanente avec boiterie. A l’examen, l’appui monopodal est impossible du côté douloureux et on retrouve un point excessivement douloureux de la branche pubienne.

Diagnostic confirmé par une radiographie et/ou une scintigraphie. Ne pas négliger le remplacement de vos chaussures, ainsi que l’évolution progressive de vos entraînements. Pas plus de 10% d’une semaine sur l’autre.

f-     Ostéonécrose aseptique de la tête fémorale

La nécrose de la tête fémorale simule une arthrose: l’appui sur la jambe déclenche une douleur profonde de la région de l'aine. Mais il s'agit d'une personne jeune: entre 30 et 50 ans: un peu jeune pour de l'arthrose...

Cause:un obstacle à la circulation sanguine dans une partie de la tête du fémur. L'os est parcouru par ses propres vaisseaux sanguins. Que cet apport nutritif s'interrompe et il fait son infarctus, aux conséquences heureusement moins graves que sur un coeur.
Les facteurs responsables de cette "constipation" vasculaire: les corticothérapie au long cours par voie orale, les accidents baromètriques (plongée, …) ; l’alcoolisme, …

Horaire : Aucune douleur au moment de la nécrose: l'os est un tissu au renouvellement très lent et ce n'est qu'après plusieurs semaines qu'il se fragilise en l'absence de réparation: les douleurs apparaissent à l'appui, comme si vous mettiez le poids sur une fracture.

En résumé Pathologie rare. A n’y penser qu’en cas de retour de vacances où la course à pied a été délaissée au profit de la plongée, ou dans le cas de corticothérapie au long cours.

 Les douleurs latérales:

a-    Bursite et tendinite du moyen fessier

Siège : La tendinite du moyen fessier est une douleur de l'extérieur de la hanche. Le point douloureux siège sur une protubérance osseuse à cet endroit (il faut palper profondément) (cf fig. 2) qui est la zone d'attache du tendon. Le muscle moyen fessier est un muscle important de la station debout.

Horaire : Cette tendinite est donc une douleur de l'appui et de la marche. Rarement, en cas de calcification sur le tendon, peut survenir une crise aiguë avec des douleurs permanentes, qui s'atténuent progressivement au bout de quelques jours. Mais habituellement la tendinite du moyen fessier est une douleur de mise en tension du tendon, quand on se lève et quand on marche.  Vous pouvez reproduire la douleur en vous mettant en appui unipodal du côté douloureux.

Pathologie fréquente chez les coureurs à pied “gros volumes“ . Diagnostic à confirmer par examen clinique et échographie.

b-    Tendinite du pyriforme

Siège: Cette douleur se situe non loin de celle du moyen fessier. La seule différence notable réside dans les signes accompagnant. En effet, cette tendinite peut apparaître avec une douleur postérieure de fesse voir de sciatalgie. L’appui sur la fesse peut soulager temporairement la douleur. Cette tendinite peut empêcher de dormir sur le côté dououreux.

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La meilleure des préventions reside dans vos postures (travail, ordinateur, …). Eviter impérativement de croiser les jambes quand vous êtes assis, caler bien le bassin  dans le fond de votre chaise. Diagnostic à confirmer par examen clinique.

3-    Autres cas possibles

a-    Douleurs projetées D12/L1

Une grande partie des douleurs qui touchent la hanche ne proviennent pas de cette articulation. Il s'agit des douleurs dites "projetées", c'est-à-dire survenant à distance de leur véritable origine. Ce qui vous fait souffrir, ce sont les terminaisons nerveuses d'une zone de peau plus ou moins étendue, mais ce nerf est en réalité irrité à son départ de la colonne vertébrale ou plus rarement sur son trajet au milieu du corps. L'exemple le plus connu de douleur projetée est la sciatique, dont la cause principale, la hernie discale lombaire. La sensibilité de toutes les régions du corps est assurée par des nerfs qui partent de la colonne vertébrale.

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La hanche comme d'autres régions peut être siège d'une douleur projetée. C'est très fréquent en fait. Ces nerfs partent d’une partie très surmenée de la colonne lombaire : la charnière dorso-lombaire. (entre la 12ème et dernière dorsale (D12) et la première lombaire(L1)). En cas de cambrure très marquée, de surpoids important, d’une faible musculature abdominale, cette articulation est soumise à rude épreuve. Par conséquent elle peut dysfonctionner et en simplifiant entraîner un “pincement“ de la racine nerveuse D12. Cette même racine innervant la région du pli de l’aine.

Typologie et siège : Vous pouvez ressentir des élancements très localisés, mais c'est en général une zone assez large qui est désagréable, typiquement elle fait le tour extérieur de la hanche et remonte un peu vers les lombaires. Souvent c'est une douleur de l'aile iliaque (le rebord osseux en haut du bassin, au début du flanc) et du pli de l’aine.

C'est une douleur extrêmement désagréable, d'autant plus que les calmants n'arrivent pas à vous soulager ou très peu. Vous cherchez parfois spontanément à appliquer un baume, du froid ou du chaud, sur la zone sensible, et vous en tirez un bénéfice aussi efficace que les comprimés bien que cela ne soit pas très durable. Vous avez essayé les anti-inflammatoires, parfois en piqûres devant l'intensité de votre gêne, sans aucun résultat. La douleur n'est pas tellement liée aux efforts ou à la marche, mais plutôt aux positions, et particulièrement aux changements de position: vous extraire du lit, d'un siège, d'une voiture, sont des moments très difficiles.

Pathologie très fréquente. Diagnostic à confirmer par examen clinique.

b-    Douleurs projetées genou

En cas d’arthrose débutante du genou, la douleur peut se projetter vers la hanche, malgré un genou asymptomatique. (cf .https://osteoducoureur.blogspot.fr/2013/02/la-douleur-de-genou-en-course-pied.html

Diagnostic à confirmer par radiographie



c-    Douleurs liées à une dysfonction du pubis – Pubalgie

L'arthropathie du pubis est l'affection qui mérite le mieux l'appellation "pubalgie": la douleur est au milieu mais irradie à toute la région, est réveillée par la palpation de l'os.
Classiquement elle vient de tractions asymétriques sur le pubis s'exerçant en haut par les muscles abdominaux et en bas par les adducteurs.

Le problème vient plus précisément d'une asymétrie droite-gauche des tractions sur le pubis. L'insuffisance relative des abdominaux joue seulement un rôle favorisant car normalement ils stabilisent en haut les contraintes asymétriques sur le pubis.

Diagnostic à confirmer par examen clinique. Rechercher une instabalité du bassin sur des schémas de jambe courte, entorse d’une cheville unilatérale mal soignée, …

Quoiqu’il en soit, rapprochez vous d’un praticien compétent (ostéopathe, médecin du sport, rhumatologue, …) apte à poser un diagnostic ou un bilan de votre pathologie afin de cibler par un examen minitieux la cause réelle de votre douleur. Je tiens également à rappeler que vous êtes, vous coureur à pied, votre meilleure diagnostiqueur. Dans la mesure où vous connaissez pleinement vos sensations, tensions musculaires, gênes articulaires, vous êtes les plus à mêmes à renseigner le praticien que vous consultez. N’omettez aucun détail!

Tout est à prendre en compte pour analyser votre pathologie.

Bonne course à tous.

F. BEDIN, Ostéopathe D.O. (78 - Le Pecq)